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Le référé liberté à l'épreuve des fresques pornographiques

Le sexisme culturel, la culture du viol, la pornographie n’a pas sa place au sein de l’hôpital Public. C’est par l’action juridique que des professionnelles, le syndicat sud santé sociaux de haute garonne et l’association “ Osez le féminisme “ ont donné un coup de canif au sacro saint esprit carabin.
Après une longue bataille d’alerte à la direction du CHU de Toulouse, de pétition, de médiatisation, c’est par le référé liberté, qu’ils elles ont fait cesser le trouble à l’ordre public.


Une stratégie avec 2 recours pour un même objectif 


Ordonnance N° 2106928 du 7 décembre 2021 du Tribunal Administratif de Toulouse

Quelles sont les parties : syndicat sud du chu de toulouse et CHU de Toulouse

Quel est l’outil juridique le  référé liberté ou référé injonction : Le référé liberté vous permet de demander au juge de prendre en urgence une mesure nécessaire à la sauvegarde d’une de vos libertés ou droits fondamentaux si l’administration y porte atteinte de manière grave et illégale. 

Les moyens soulevés par le syndicat

Il est porté une atteinte grave à la liberté fondamentale de non-harcèlement sexuel au travail au regard de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, qui constitue une liberté fondamentale ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 19 juin 2014, n° 381061 

 Il est porté également atteinte à la dignité des fonctionnaires qui leur est garantie par leur statut compte tenu du caractère dégradant et humiliant des représentations se trouvant sur cette fresque.

 Il est porté atteinte au principe de dignité humaine qui constitue une liberté fondamentale.

 Il est également porté atteinte au droit de ne pas être discriminé à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle au regard de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et de l’article 3 de la même convention

Ce qui est demandé :

1°) de faire cesser l’atteinte grave et manifestement illégale causée par l’exposition de deux fresques se trouvant au CHU de Purpan, dont l’une se trouve dans le réfectoire des internes ;

2°) d’ordonner au CHU de Toulouse de faire procéder au retrait immédiat de ces fresques;

3°) d’ordonner au CHU de Toulouse d’engager des poursuites disciplinaires contre les personnes qui ont procédé à l’affichage de cette fresque;

4°) d’ordonner au CHU de Toulouse de prendre les mesures nécessaires pour que les professionnels soient sensibilisés aux violences sexistes aux fins de prévenir toute récidive et de prendre les mesures nécessaires pour accompagner de manière effective les professionnelles qui ont été exposées à cette fresque ;

5°) d’ordonner au CHU de Toulouse d’inscrire dans le règlement intérieur l’interdiction de toute affiche, peinture, fresque ayant pour objet ou effet de porter atteinte à la dignité et ayant un caractère pornographique ;

6°) de prononcer à cet effet une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jour suivant la date de notification de l’ordonnance à intervenir ;

7°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ce que le juge retient

“ Cette fresque présente de façon évidente un caractère pornographique dès lors qu’elle montre de façon obscène des hommes et des femmes se livrant à des actes sexuels, et pour la plupart, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, dans des situations humiliantes. Une telle représentation dans le réfectoire qui se trouve dans les locaux du service public, lequel réfectoire, s’il n’est pas ouvert au public, est ouvert aux internes, usagers du réfectoire et agents publics, porte ainsi qu’il est invoqué, ouvertement atteinte à la dignité humaine de la femme et au demeurant à celle de l’homme, ainsi que s’en sont au demeurant émus les auteurs d’une pétition –produite au dossier – adressée au ministre de la Santé. Elle porte également atteinte à la dignité de ces personnes, femmes et hommes prises en leur qualité d’agents publics. En effet, compte tenu de son caractère ouvertement pornographique, de surcroit accompagnée par la représentation de personnes physiques travaillant manifestement au sein du CHU de Toulouse, la fresque incriminée porte objectivement au droit au respect de la dignité humaine une atteinte grave et manifestement illégale de nature à justifier l’intervention du juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, dans un délai de quarante-huit heures. “

La condition d’urgence étant remplie, selon le Tribunal, la fresque doit être retirée. En revanche, le juge ne peut enjoindre :

“ - d’engager des poursuites disciplinaires contre les personnes ayant procédé à l’affichage car le principe de l’opportunité des poursuites disciplinaires n’appartient qu’à la personne publique

- d’inclure dans le règlement intérieur des dispositions visant à interdire ce type d’affichage  et de sensibiliser les professionnels aux violences sexistes “

Les juges ordonnent donc

“ Article 1er : Il est enjoint au centre hospitalier universitaire de Toulouse de procéder dès la notification de la présente ordonnance, à l’enlèvement des fresques à caractère pornographique se trouvant au sein du CHU de Purpan, et notamment celle se trouvant dans le réfectoire des internes du CHU de Purpan et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du jour suivant la date de notification de l’ordonnance à intervenir.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse versera au syndicat Sud Santé Sociaux Haute-Garonne 31 une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de la requête du syndicat Sud Santé Sociaux Haute-Garonne 31 est rejeté.

Ordonnance N° 2106915 du 7 décembre 2021 du Tribunal Administratif de Toulouse

Quels sont les parties : association “ Osez le féminisme “ et CHU de Toulouse

Quel est l’outil juridique le  référé liberté : Le référé liberté vous permet de demander au juge de prendre en urgence une mesure nécessaire à la sauvegarde d’une de vos libertés fondamentales si l’administration y porte atteinte de manière grave et illégale. 

Les moyens soulevés par l’association : 

“ Il est par ailleurs porté atteinte au principe de dignité humaine qui est reconnu comme une liberté fondamentale ;

 Il est par ailleurs porté une atteinte grave à la liberté fondamentale de non harcèlement sexuel au travail au regard de la loi du 13 juillet 1983, qui régit la situation des internes et des personnels du CHU de Toulouse ;

 Il est porté atteinte au principe de valeur constitutionnelle d’égalité entre les hommes et les femmes ;

 Il est également porté atteinte à la convention d’Istanbul par laquelle la France s’est engagée à prendre les mesures nécessaires pour promouvoir les changements dans les modes de comportement socioculturels des femmes et des hommes ; 

Les fresques pornographiques en ce qu’elles véhiculent une représentation hypersexuelle et avilissante des femmes et de la sexualité contreviennent à la convention d’Istanbul ;

 Les panneaux litigieux, à caractère pornographique, exposés de manière visible, créent pour les agents féminins qui travaillent au CHU un environnement hostile constitutif de harcèlement sexuel ; cette « culture du viol et de la violence sexuelle érotisée » est puissamment ancrée dans les professions médicales et a de graves répercussions sur les femmes. “

Ce que le juge retient

“ Une telle représentation dans le réfectoire qui se trouve dans les locaux du service public, lequel réfectoire, s’il n’est pas ouvert au public, est ouvert aux internes, usagers du réfectoire et agents publics, porte ainsi qu’il est invoqué, ouvertement atteinte à la dignité humaine de la femme et au demeurant à celle de l’homme, ainsi que s’en sont au demeurant émus deux internes (une femme et un homme), par des attestations du 2 décembre 2021 produites au dossier par l’association requérante. Elle porte également atteinte à la dignité de ces personnes, femmes et hommes, prises en leur qualité d’agents publics. “

Les juges condamne également le CHU de Toulouse retient l’atteinte à la dignité humaine mais pas le harcèlement !

Les conséquences et suites de cette lutte :

L’association “ osez le féminisme “ porte devant le juge des référé du  conseil d’état ( Conseil d’État, 17 Janvier 2022 – n° 460166 ) une requête tendant à  :

1°) d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de la santé dans les quarante-huit heures, en premier lieu, de prendre des mesures contraignantes et de portée nationale à l’attention de tous les directeurs de centres hospitaliers visant à interdire, et le cas échéant retirer, l’ensemble des fresques à caractère pornographique et sexiste affichées au sein de leurs services, en deuxième lieu, d’évaluer les conséquences néfastes qu’ont pu avoir ces fresques pour les usagers et personnels et de prendre toutes mesures propres à réparer les éventuels dommages causés par ces fresques et, en dernier lieu, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les professionnels soient sensibilisés aux violences sexistes ;

L’association est déboutée sur l’urgence.

Le ministère de la santé réagit enfin 

INSTRUCTION N° DGOS/RH3/2022/272 du 17 janvier 2023 relative aux fresques dites « carabines » dans les salles de garde des étudiants en santé dans les établissements publics de santé :

“ Le retrait de ces fresques qui constituent un agissement à connotation sexuelle s’inscrit pour l’employeur dans le cadre de son obligation de veiller à la santé et à la sécurité de ses agents.

Ce retrait doit se faire dans le cadre d’un plan d’action concerté avec les différentes parties prenantes au niveau local avec, en dernier recours, une action de l’Agence régionale de santé (ARS) “

CE QUE L’ON PEUT EN PENSER

Le référé liberté suppose l’urgence à agir. L’action en référé devant le tribunal administratif de Toulouse a été précédée d’un droit d’alerte pour danger grave et imminent, d’une campagne de pétition nationale, d’un constat d’huissier, donc d’un processus long qui aurait dû convaincre la direction du CHU de Toulouse d’agir, ce qui a sûrement convaincu le juge de l’urgence à agir.

Concernant le harcèlement sexuel, ll suppose que les auteurs en tire un avantage sexuel. Dans ce dossier, il était difficile pour le juge de le considérer.

Et maintenant reste à vérifier que TOUTES ces fresques pornographiques sont retirées de tous les hôpitaux de France !