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Visite parlementaire : l’hôpital psychiatrique de Purpan renacle à lever le voile sur son fonctionnement

Reportage Médiacité :

Visite parlementaire : l’hôpital psychiatrique de Purpan renacle à lever le voile sur son fonctionnement

En proie à des difficultés, l’établissement de santé a reçu la visite surprise de la députée LFI Anne Stambach-Terrenoir ce vendredi 9 février. Un déplacement sous surveillance auquel la presse n’a pas pu participer librement.

Anne Stambach-Terrenoir, députée LFI de la Haute-Garonne, a fait valoir son droit de visite à l’hôpital psychiatrique de Purpan. / Crédit photo Gael Cérez

Àl’hôpital psychiatrique de Purpan, « on n’a rien à cacher », mais on refuse tout de même l’accès à des journalistes accompagnant une députée. Ce vendredi 9 février, l’élue LFI Anne Stambach‐Terrenoir a fait valoir son droit de visite dans l’établissement de santé du CHU de Purpan, dont une partie du personnel est en grève depuis le 16 janvier. 

La parlementaire voulait en savoir plus sur l’unité psychiatrique UF1. Ce service, qui accueille des patients hospitalisés sous contrainte, est en grande difficulté. Le 28 janvier dernier, l’un d’entre eux a déclenché un incendie dans sa chambre, ce qui a provoqué de nombreux dégâts. L’an dernier, quand des détenus de la maison d’arrêt de Seysses y ont été transférés pour des soins, les soignants se sont retrouvés livrés à eux‐mêmes avec ces « patients‐détenus » non escortés dont ils ne connaissaient pas la dangerosité potentielle. Dans ce service de 24 lits, la consommation de cannabis, crack et cocaïne se banalise selon le personnel.

Visite interdite pour la presse

La députée a fait état de ces difficultés à l’Assemblée nationale, le 17 janvier dernier, mais elle voulait constater par elle‐même. Conviant – comme c’est son droit – deux journalistes pour l’accompagner, l’une de La Dépêche du Midi et l’autre de Mediacités, elle a averti de sa visite la direction du CHU au dernier moment, « car cela permet de voir les choses comme elles sont vraiment ». Mais ce vendredi matin, dans le hall blanc et froid de l’hôpital psychiatrique, l’encadrement de l’établissement a dit non : « Mme la députée pourra visiter l’UF1, mais pas son collaborateur ni la presse ».

Le droit de visite de la députée a été limité par le CHU. / Crédit photo Gael Cérez

Le médecin en chef, Philippe Birmes, invoque le respect du secret médical et la fragilité de patients perturbés par les allées et venues des ouvriers venus réparer les locaux abîmés par l’incendie. Madame la députée ira donc seule avec le professeur… et une flopée de cadres du CHU. Pour la tranquillité des résidents de l’UF1, on repassera. Et tant pis pour le droit des parlementaires à faire connaître leur action et pour la liberté d’une presse, parquée pour l’occasion dans une salle de réunion, avec le DRH, un directeur de soins et les responsables de la communication.

600 000 euros de rénovation

Qu’a‐t‐on appris pendant que la visite se déroulait sans nous ? Que l’hôpital psychiatrique a été inauguré en 2013 ; Que ses murs sans âme vont être refaits à neuf à l’occasion de « travaux de sécurisation et d’humanisation » d’un montant de 600 000 euros ; Et que, promis, le mobilier sera plus agréable et les couleurs plus chatoyantes pour atténuer l’effet « pâleur chirurgicale » des lieux. 

On en sait plus aussi sur la situation de la psychiatrie en Haute‐Garonne. Spécificité du département, l’offre privée dépasse largement celle du public (1 100 lits contre 450), mais les cliniques refusent d’accueillir les patients les plus « compliqués ». Conséquence : alors que le nombre de patients a augmenté de 30 % en vingt ans, dixit notre consœur de La Dépêche, les tensions se concentrent à Purpan et au centre hospitalier Gérard Marchant, où les moyens manquent.

« Seulement quarante heures de formation en trois ans d’études généralistes, cela ne donne pas envie aux jeunes de venir travailler en psychiatrie. »

En conséquence, l’hôpital public peine à recruter en psychiatrie. À cause de conditions de travail peu attractives, d’abord. Mais aussi du fait de la formation des soignants. « On est passé d’un métier d’infirmier spécialisé en psychiatrie dans les années 90, à seulement quarante heures de formation en trois ans d’études généralistes. Cela ne donne pas envie aux jeunes de venir travailler en psychiatrie », déplore Alexandre Fanguin, directeur de soins au CHU en charge du pôle psychiatrie et infirmier de formation.

Pour attirer, le CHU fait feu de tout bois. Il propose une allocation d’études en échange d’un engagement moral à servir en psychiatrie, une fois le diplôme en poche. Deux bourses ont été allouées cette année. De plus, tout soignant réussissant à convaincre un collègue de rejoindre ces services pourrait bénéficier d’une prime de 1 200 euros. Chou blanc pour l’instant.

Une rencontre sous surveillance

Au bout d’une heure, un ange passe. Tout est dit. Dehors, des pigeons s’envolent en nuée par‐delà les pelouses clôturées de l’établissement. Dedans, journalistes, DRH, directeur de soin et responsable com’ du CHU consultent leurs téléphones pour passer le temps. Le ronronnement de la ventilation est interrompu par la porte qui s’entrouvre. La visite de la députée est terminée. Place maintenant au temps d’échange avec le personnel soignant. On change de salle. Sur le pas de la porte, malaise : la presse peut‐elle entrer, s’interroge la direction du CHU ? « Oui, comme prévu », balaie Anne Stambach‐Terrenoir. Comme le droit l’impose, pense‐t‐on intérieurement.

L’arrivée de la presse provoque un conciliabule dans le couloir. « On n’a rien à cacher », murmure un cadre. Qui s’invite avec ses collègues dans une réunion prévue initialement comme un tête‐à‐tête entre la députée, le personnel et des représentants syndicaux. Pour la liberté de parole, on repassera aussi.

Des revendications en pagaille

Heureusement, l’infirmière et l’aide‐soignant en blouses blanches n’ont pas leur langue dans leur poche. « André, Paul ou Gérard » – peu importe tant que son vrai prénom n’apparaît pas – déplie une feuille lestée de revendications. Au verso, un formulaire quelconque. Ici, rien ne se perd.

Il liste : les CHSCT et alertes pour danger imminent qui s’empilent sans aboutir ; « le manque d’effectifs dans un service lourd » ; l’impossibilité de mettre en place des ateliers avec les patients faute de temps ; les conditions d’accueil des détenus qui transforment les soignants en gardiens ; et le refus de la direction d’accorder une prime de risque.

Julie, sa collègue infirmière, l’interrompt d’un geste. « Tout est très protocolisé à l’hôpital. Les réponses à nos questions sont longues à venir et ne résolvent pas nos difficultés », résume la jeune femme – qui elle aussi a voulu modifier son identité.

« On doit avancer les frais nous‐mêmes et attendre d’être remboursés. »

Elle poursuit : « Depuis l’incendie, une partie du service est fermé. Cela nous a permis d’avoir plus de collègues disponibles pour s’occuper des patients et les accompagner à l’extérieur. Ils tournent moins en rond. Ils sont plus souriants. L’ambiance est meilleure. » La parenthèse – elle le sait – sera de courte durée.

« Quand je suis arrivée en 2017, les ateliers étaient bien installés. Cela s’est perdu faute de temps parce que les patients sont plus durs et l’activité a augmenté, constate‐t‐elle avec lassitude. On n’arrive plus à en instaurer alors que ce sont des soins nécessaires. On n’a pas de budget. On doit avancer les frais nous‐mêmes et attendre d’être remboursés. Des projets cinéma et randonnée sont prêts. Ils ont été validés par les médecins, mais rien ne se met en place. »

Une cadre de santé intervient. Une régie vient d’être mise en place pour pallier ce problème, selon elle. « On nous a déjà dit que c’était opérationnel, mais j’attends encore », rétorque l’aide‐soignant. « Vous ne comprenez pas : vous pouvez faire vos ateliers », insiste la cadre. Petite moue désabusée et sourire dubitatif de l’infirmière. « Je n’avais pas cette connaissance », souffle‐t‐elle, face à un journaliste incrédule.

Le personnel de l’hôpital psychiatrique est en grève depuis la mi‐janvier. / Crédit photo Gael Cérez

Cannabis et pipe à crack

L’échange revient sur la prime non accordée. « On la demande parce que nous sommes exposés aux risqués liés à la consommation de drogue, explique l’aide‐soignant. L’UF1 est un lieu fermé. Les fenêtres ne s’ouvrent pas. Quand ça fume, ça sent le cannabis et le crack dans les couloirs. On inhale forcément les fumées », plaide‐t‐il.

Son supérieur, plutôt agacé de perdre sa matinée, refuse d’y croire. « Je visite l’unité une fois par semaine. Je ne peux pas vous laisser dire que le service est enveloppé dans la fumée de cannabis », assène Philippe Birmes. « Ce n’est pas crédible », renchérit Judith Le Page, la secrétaire générale du CHU. Les deux soignants ne se laissent pas démonter. « On ne doit pas travailler dans le même service. Le cannabis, c’est au quotidien », jure l’aide‐soignant. « Ce matin, on a même trouvé de la cocaïne, affirme sa collègue infirmière. Moi, j’ai déjà subi des intimidations parce que j’avais retiré un joint à un patient. » « Quand on nous menace du poing pour ça, on revient quand même au travail le lendemain », rappelle l’aide‐soignant.

Peine perdue pour la prime. « La loi ne permet pas de l’accorder aux soignants de psychiatrie », explique Édouard Douheret, le DRH. Il serait possible de contourner le problème en augmentant les primes d’insalubrité et d’intéressement, estiment Julien Terrier et Édith Vauclare, syndicaliste CGT et SUD. Toujours non. La direction ne veut pas créer un précédent qui pourrait inspirer d’autres services du CHU.

« Il y a une difficulté à visiter ce genre de lieux. On va continuer à suivre le dossier », assure la députée à la fin de la visite. / Crédit photo Gael Cérez

Quatre millions pour l’ambulatoire

Actuellement, l’UF1 compte en semaine trois infirmiers le matin et le soir, deux la nuit, ainsi que deux aide‐soignants, matin, soir et nuit. « Quel effectif vous faudrait‐il ? », interroge Anne Stambach‐Terrenoir. « Un soignant de plus le matin et le soir », répondent ses interlocuteurs. « Ce que vous demandez est du niveau des unités les plus médicalisées, observe Alexandre Fanguin. Je pense que l’effectif actuel est convenable, mais venant d’arriver sur site, je dois analyser votre organisation. » « Pourquoi toujours calculer au plus serré en se basant sur ce qui est prévu dans les grilles ? Pourquoi ne pas défendre le mieux collectivement ? », tente la députée LFI.

Silence.

« Il faut que l’ARS débloque des moyens pour augmenter les effectifs. »

L’écho de ses mots résonnerait encore dans les couloirs de l’hôpital si Christophe Arbus n’avait pas pris la parole. « Le discours que vous entendez ici est le même sur l’ensemble du territoire, assure ce psychiatre et chef de pôle. Hospitaliser le patient, c’est le priver de liberté. Ce n’est pas la solution. On sait exactement ce qu’il faut faire : développer la psychiatrie ambulatoire et alléger les unités de soins. Cela marche dans d’autres pays et dans d’autres régions, à Lyon et Saint‐Étienne, par exemple. Mais pour cela, il faut que l’ARS débloque des moyens pour augmenter les effectifs. » 

Combien faudrait‐il pour financer les huit équipes mobiles de psychiatrie nécessaires en Haute‐Garonne ? 500 000 euros chacune, soit quatre millions d’euros par an, selon Christophe Arbus et Alexandre Fanguin. Maintenant on sait le prix pour sauver la psychiatrie publique. Voilà à quoi sert une visite de parlementaire accompagnée par la presse.

Gael Cérez

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